Kinta ~ Orpheline

Ace est un deviruchi ou tout du moins en apparence. La petite créature était en fait une poupée créée par sa mère qui possédait une magie identique à la sienne. Mais la poupée était destinée à disparaître comme chacune des créations, pourtant, la jeune fille eut la chance de rencontrer une femme, se faisant appeler Tiaven Brynn, qui mit une âme dans cette poupée. Cette âme transforma un peu la composition de la poupée, étrangement et elle lui apporta une vie qui ne dépendait plus des pouvoirs de la mère de Kinta. La poupée observait la femme avec reconnaissance. Kinta ne se demanda jamais comment son camarade s'était retrouvé dans sa poupée, elle se contenta de l'apprécier tout comme elle l'appréciait.
Le petit démon a perdu ses pouvoirs lors du transfert de son corps à la peluche.

Kinta est née à Vok, dans une jolie maison pleine de fleurs. Elle aimait particulièrement appeler sa mère pour jouer dehors et celle-ci venait avec un grand plaisir bien qu'anxieuse vis à vis des bandits de la ville. L'enfant n'avait pas encore l'idée de demander pourquoi elle n'avait pas de père. Sa mère ne lui en parlait jamais et comme l'enfant ne jouait jamais avec les autres parce qu'ils étaient plus vieux et ne voulaient pas d'une enfant en si bas âge. D'ailleurs, sa mère refusait qu'elle traîne avec eux tandis qu'ils affichaient clairement les armes qu'ils possédaient au vu de leur métier d'assassin ou de bandit.
Sa mère la trouvait trop mignonne avec ses grands yeux qui la dévisageait avec curiosité et ses grands rires adorables lorsqu'elle jouait un peu avec elle. L'enfant aimait quand on s'occupait d'elle. Elle ne demandait que ça et sa mère était celle qui la comblait le plus en fin de compte bien qu'elles aient quelques connaissances amicales. Il ne lui fallait pas grand chose pour s'amuser. Elle aimait bien essayer de faire pousser des petites plantes un peu partout et s'émerveillait quand elle voyait chacune des pousses sortir de terre. En réalité, ça ne venait pas d'elle car son pouvoir était endormi. Les pousses venaient en réalité de sa mère qui a son bonheur apparent lui laissait croire que cela venait d'elle. Sa mère qui lui avait sûrement transmis le même don, lui créait des poupées en plantes. La petite les adorait plus que tout, surtout que ça venait de sa maman. À chaque fois, elle lui faisait un gros câlin et plein de bisous.
Voilà. Kinta a coulé des jours heureux avec sa mère pendant six ans de sa vie. Mais un jour, le père, Arvèles, qu'elle ne connaissait pas avait débarqué. Assassin de renommé, il dirigeait la ville et empêchait sa famille de partir bien qu'il ait abandonné l'enfant qu'il considérait comme parasite. Il était rentré dans la maison, en arrachant la porte. Kinta était à ce moment-là sur les genoux de sa mère qui venait de lui mettre la cuillère de sang dans la bouche, ne lui ayant pas appris à se nourrir sur des humains. Kinta ne voulait pas grandir et sa mère ne le lui imposait pas, leur bonheur en parfait équilibre ainsi. L'enfant restait son bébé après tout.
Mais à ce moment, la terreur envahit sa mère et Kinta sentit ses larmes montés en s'effrayant du bruit de la porte. D'autant plus qu'elle sentait la peur de sa mère. Il se mit à cracher des mots que l'enfant ne distinguait pas. Elle s'accrochait aux jupes de sa mère. L'homme s'approchait de cette dernière en hurlant et elle se retenait de pleurer tout comme sa fille. Elle se plaçait bien devant elle pour la protéger mais lorsqu'il la saisit par les poignets avec violence, la petite se jeta contre lui et se mit à lui mordre le bras avec la force de ses petites quenottes de vampire encore en croissance. Il la rejeta à terre et lui donna un violent coup de pied qui la fit partir plus loin. La petite entendit un craquement sonore et sa respiration devint plus difficile.
C'est là que sa mère craqua, les larmes coulant sur son visage. Elle lui collait la lame de son couteau sous la gorge tandis qu'il la menaçait de son revolver. Ils se tuèrent en même temps sous les yeux de l'enfant. Celle-ci cligna des yeux plusieurs fois sans comprendre. Quelqu'un entra dans la maison, attiré par le bruit. Une mère et un des enfants qui s'était occupé d'elle une fois, connaissant sa mère de longue date. L'enfant avait apparemment suivi sa mère sans autorisation. Quand ils la virent, ils se dépêchèrent de la récupérer tout en appelant d'autres gens pour s'occuper des corps. Les enterrer.
Kinta ne comprenait pas. Elle fixait la scène et ne cessait de demander sa maman sans comprendre pourquoi on l'emmenait dans une autre maison. Elle dit gentiment avec un air d'incompréhension :
«Je veux voir ma maman. Pourquoi vous m'emmenez? Je veux qu'elle vienne avec nous. Elle est où maman?»
Elle sentait le choc de l'enfant près de sa mère. La vampire ne comprenait pas mais ne se débattait pas pour autant dans les bras de la dame. Elle était innocente tout comme l'autre enfant qui venait sûrement d'en perdre une bonne partie. Sa mère serrait les dents dans l'espoir de ne pas se laisser aller à ses émotions. Elle s'occupa d'elle, en lui disant des mots gentils sans rien lui expliquer. L'enfant réclamait quand même sa mère. Elle commençait à se sentir mal avec la tension qui régnait. La dame essayait de consoler son fils et sa recrue à la fois mais elle peinait. Le père ne semblait pas être rentré.
Le lendemain matin, la dame lui dit enfin qu'elle allait voir sa mère. Kinta retrouva son sourire et la suivit avec gaieté, en gambadant et en voulant accélérer l'allure. Lorsqu'elle arriva, elle vit sa mère allongée dans un cercueil de fortune. Elle s'échappa, lâchant la main de la dame et courut vers sa mère; s'écriant avec joie :
«Maman! Maman debout!»
La petite grimpa dans le cercueil et s'assit contre sa mère comme elle le faisait le matin quand elle se réveillait la première. Sauf qu'habituellement le lit était plus large et elles dormaient l'une contre l'autre. Parfois, quand elle ne se réveillait pas vite, la petite lui apportait le petit-déjeuner - un peu raté - au lit mais sa mère en riait et l'enfant était heureuse. Alors qu'en cet instant, sa mère ne se réveillant pas immédiatement, elle n'avait pas moyen de faire le petit-déjeuner vu qu'elle n'était pas dans sa maison.
La femme qui n'avait pas voulu la lâcher la reprit dans ses bras, l'emmena à distance respectueuse et lui expliqua avec des mots simples en essayant de minimiser le choc de l'enfant qui ne voulait pas comprendre. Elle tenta donc de retourner auprès de sa mère mais la femme l'en empêchait. Kinta restait dans l'incompréhension, ne voulant pas assimiler la mort de sa mère. Elle n'avait personne d'autres au monde. A la fin de la cérémonie, un peu plus d'une heure plus tard, son visage commença à se décomposer. Les paroles firent enfin sens dans sa tête alors que celle qu'elle aimait ne se réveillait point.
Lorsqu'elle réalisa enfin, Kinta pleura pour la première fois de sa vie. Beaucoup de monde aimait sa mère; ils étaient venus à Vok uniquement pour ça, mais ils se retenaient de pleurer. L'élément déclencheur de leurs larmes qu'ils cachèrent en posant la main sur leurs yeux fut le cri de douleur déchirant de l'enfant. Personne n'osait plus l'approcher, ne sachant plus trop quoi faire avec elle.
Soudain, l'enfant qui avait vu la scène la veille s'approcha et s'accroupit à côté d'elle tandis qu'elle restait assise à terre en pleurant toutes les larmes de son petit corps. Il la prit dans ses bras et elle finit par pleurer sans bruit. Il fit de même et ils pleurèrent ainsi l'un contre l'autre sous les regards des adultes qui n'osaient plus rien faire. Ce fut le pire jour de la vie de Kinta d'autant plus qu'elle détestait la pluie et qu'elle avait peur de l'orage sauf que sa maman ne fût pas là pour la protéger. C'est depuis ce jour que son pouvoir s'était éveillé.
Malgré tout, la mère avait fait en sorte que sa fille puisse apprécier toute la beauté de la vie alors qu'elle se trouvait dans une condition misérable, retenue prisonnière sans que jamais sa fille ne le sache. Elle avait réussi à lui donner l'impression que la vie était belle. Pourtant, cette journée déjà bien horrible empira, balayant tous les efforts de sa mère. Le père de Kinta, pourrit jusqu'à la moelle, allait continuer de faire mauvaise impression même dans sa mort. Les flammes s'élevèrent de la maison de sa fille et quelques assassins apparurent, d'on ne sait où, pour tuer la plupart des gens. L'enfant qui la tenait dans ses bras la releva précipitamment et lui tandis une poupée. C'était la dernière poupée que la mère de Kinta avait créée, l'enfant était même étonnée qu'elle soit encore là. Elle le remercia et il la repoussa pour qu'elle se mette à courir. L'enfant s'enfuit et tout se passa très vite. Alors qu'elle se cachait, trop petite pour semer ce genre de bandits, elle assista au massacre, au corps de sa mère qui se faisait honnir et elle resta muette, sans même une larme, protégée par son innocence.
Elle souffrait tellement que son esprit faisait tout pour ne pas comprendre la scène, pour la repousser. Un jour, elle se rappellerait de cela mais pour le moment, ce souvenir lui était comme bloqué, comme si son cerveau la protégeait.
Une femme arriva finalement dans le village avant la fin du massacre. Le regard plein de rage, elle se débarrassa des bandits sans même les toucher. Le feu ne s'éteignit pas et le peu de verdure qui existait dans la ville disparut. L'air rassurant, elle appela l'enfant par son prénom. Celle-ci, inconsciente, sortit de sa cachette, sa poupée serrée contre elle.
«Kinta. Je connaissais ta maman. Je n'ai entendu parler que trop tard de sa condition dans cette ville et de ton existence. Si j'avais pu, je serais venue plus tôt, je suis désolée ma chérie. Si tu me prêtes ta poupée, je ferais en sorte qu'elle ne disparaisse jamais.»
Kinta, sans dire un mot, le regard malheureux à fendre le cœur, lui tendit innocemment sa poupée. La femme apposa sa main sur le corps de sa mère après mais ce qu'elle tentait de faire ne sembla pas aboutir.
«Je suis désolée, je ne peux pas te ramener ta mère. Est-ce que quelqu'un dans ce village tenait à toi? Est-ce que tu penses que l'un d'eux aurait été capable de te protéger?»
Sans dire un mot, la petite posa le regard sur le garçon qui l'avait prise dans ses bras et avait retrouvé la poupée pour elle. La femme comprit et posa la main sur le corps du garçon. La poupée s'anima sous ses doigts et leva un regard reconnaissant envers la femme, comme s'il avait compris.
«Je protégerais Kinta.
-Ace t'accompagnera désormais. Je ne peux rien faire de plus pour toi, j'en suis désolée.»
Elle prit l'enfant par la main et emmena les deux enfants, dont l'un se retrouvait dans une poupée sans que Kinta comprenne vraiment le processus, dans un lieu où elle serait en sécurité.
La vampire essayait sans cesse de reproduire les poupées de sa mère mais n'y arrivait pas. Le seul but de Kinta, c'est de faire sourire sa mère et de la rendre fière. Même si celle-ci est morte, elle essaie de reproduire les mêmes poupées pour que sa mère soit fière de ses exploits. La petite est persuadée qu'elle l'entend alors on peut souvent la voir en train de parler toute seule. Jusqu'à ce que, la femme ne voulant pas qu'elle se face trop d'illusion, lui fit comprendre qu'elle voyait les âmes et que sa mère était définitivement partie mais elle lui promit qu'un jour, elles se retrouveraient. La petite était devenue relativement muette depuis ce jour, communiquant différemment, uniquement pour les choses essentielles.
La femme disparut de sa vie sans qu'on sache pourquoi après l'avoir confiée à une de ses connaissances, lui ayant raconté son histoire dans les grandes lignes.
Quelque temps plus tard, Kinta retrouvait une certaine joie de vivre auprès de cette personne qu'elle commençait à aimer bien qu'elle la connaissait peu. En réalité, elle avait de la chance car elle aurait pu tomber sur de mauvaises personnes et son innocence lui aurait nuit.
Elle communiquait toujours peu par la parole. Parfois, elle transmettait ses pensées sans le vouloir mais la plupart du temps, elle ne parlait pas pour ne rien dire même si avec le temps, elle deviendrait sûrement plus bavarde et se remettrait de cette expérience traumatisante.